Choeur et choralité

Les deux mots ont la même origine étymologique. Pourtant, il faut les distinguer et une partie de l'histoire du théâtre nous y invite fortement.

 

Le choeur 

     *la définition du dictionnaire (ici, le Larousse, un peu réaménagé):

                -Dans le théâtre grec antique, groupe de personnes exécutant des danses et des chants réglés ou marchant en cadence.

                -Fragment lyrique ou poétique, chanté, psalmodié ou déclamé, qui s'intercale dans les tragédies.
               -Ensemble de personnes unanimes dans l'expression de leur jugement : Le chœur des mécontents.

               -Ensemble de paroles, de cris qu'un groupe de personnes fait entendre collectivement : Un chœur de lamentations.

 

     -Définitions

               --Le choeur est une forme extensible, il existe à partir de deux personnes et peut s’accroître à l’infini ou presque. Mais à chaque nouvelle personne, à chaque nouveau choreute, la question de l’intégrité de l’ensemble est posée à nouveau." Gwenaël Morin

 

     *Remarques :

               -Le choeur est lié à un moment et à un lieu précis : Athènes du 5e siècle avant J.C

               -Le choeur est souvent attaché, dans les représentations qu'on s'en fait, à la tragédie (même si, d'Eschyle à Euripide, son importance et ses fonctions diminuent)

               -Le choeur a un statut d'extra-territorialité par rapport au drame qui se joue sur le proskenion. Le drame concerne des personnages pris dans conflit. Le choeur reste sur l'orkestra et n'intervient jamais comme "acteur", comme "agissant" sur ce qui est en train de se dérouler.

               -Les intervention du choeur sont "chorégraphiées" : ses entrées et sorties, ses déplacements sur l'orkestra, ses danses, ses chants.

 

       Quelques fonctions possibles du choeur (liste proposée par Didier Lastère dans un stage ) :

 

          Le choeur-témoin qui représente en quelque sorte le public sur scène à la manière du choeur antique qui interpelle, pose des questions au nom du peuple/public

          le choeur-action qui agit ensemble

          le choeur-récit qui raconte l’histoire

          le choeur scénographique qui, à la manière des serviteurs de scène, met en place les différents éléments utiles à la représentation (décor, objet, son, lumière…)

           le choeur marionnettique qui manipule les acteurs soit pour les amener sur l’espace scénique (à la manière des acteurs de Bunraku du théâtre japonais traditionnel) soit pour les faire disparaître, soit pour les maquiller, soit pour les costumer…

 

La choralité :

 

     *quelques définitions théoriques:

                -"désir d'être ensemble tout en étant seuls" Christophe Triau in Choralités Alternatives Théâtrales n° 76-77

                -"communauté qui n'est plus portée par l'enjeu de l'affrontement individuel" Jean-Pierre Sarrazac in Poétique du drame moderne.

                -"Effet-fantôme du choeur" ou "ce qui reste du choeur quand le choeur n'y est plus" Martin Mégevand Alternatives théâtrales n° 76-77

 

      *définition du dictionnaire

                -pluralité harmonieuse, fait d'être en accord 

            -Nature intrinsèque de ce qui est choral

 

 

      *Remarques.

                -la choralité va faire son apparition d'abord furtive avec la disparition progressive du personnage en tant que héros, avec l'effacement du drame comme action.

                -la choralité, parfois, s'ignore en tant que telle; elle s'ignore du point de vue des personnages; c'est le public qui entend la choralité émerger.

                -la choralité va peut-être faire naître un groupe, un ensemble; pour un temps seulement ou pour longtemps.

                -souvent la choralité s'entend avant d'être vue.

                -Sans doute, en permettant à chacun de rester soi, de ne pas se fondre totalement dans un groupe, la choralité permet d'éviter l'effet-masse du choeur, les effets d'effacement des singularités qu'induit le choeur. L'image des foules, des régiments qui défilent, des mises en scènes totalitaires ont laissé des traces dont, témoigne, par exemple, Rhinocéros d'Eugène Ionesco