Mini coup de théâtre

Au théâtre, il y a les gros coups de théâtre : Ciel mon mari !  Quoi  ! Vous ! Ici ! Lui-même ! etc etc...

Et comme les gros coups frappent fort, on en oublie les petits coups de théâtre.

 

On peut définir comme petit coup de théâtre, un moment, dans une suite d'actions ou de paroles, où quelque chose de singulier se passe ou plutôt est en train de se passer.

 

Dans une improvisation (stage autour de Peau d'âne), un chevalier-prince-charmant s'approche de Blanche-neige. Au départ de l'improvisation, la comédienne-Blanche-neige, s'était "simplement" allongée sur le sol. Forcément, tout personnage entrant ne pouvait manquer de la voir sauf à vaiment faire semblant de ne pas l'apercevoir.

J'ai donc demandé à la comédienne-Blanche-neige de se dissimuler sous deux manteaux et de ne pas être totalement en position raide-allongée, mais un peu lovée. Grâce aux deux manteaux, on ne la voit plus; on dirait un vague rocher gris. Le chevaliir-prince-charmant s'approche (à cheval), descend de sa monture et, sans autre forme de procès, soulève le manteau et, bien sûr, découvre la belle...

Certes, il eut fallu inventer-imaginer une approche... Le chevalier n'était pas sensé savoir qu'un rocher gris était une princesse. Mais évoquons le coup de théâtre.

Découvrir la beauté d'une princesse -personne ne me contredira- est un beau moment dans la vie d'une chevalier-charmant-prince ! L'effet même de la beauté de la princesse agit comme la foudre et le frappe.

Voilà le coup arrivé...

Or, le théâtre est un art soumis à la dure loi de la succession. Une chose en chasse bien vite une autre. Comment faire que le coup qui frappe le chevalier-charmant-prince "frappe" aussi le spectateur... Comment ce dernier va-t-il (un peu) ressentir le coup de foudre par sympathie, comment va-t-il être, toujours par sympathie, touché par la beauté endormie ?

Le théâtre chinois avait une établi la convention suivante : le coup de théâtre était mis en valeur par une immobilisation complète, sous forme d'image scénique, avec grand renfort de percussions, des personnages. Bing cling clong  : tableau !

Sauf à imiter explicitement ce théâtre, nous n'arrêtons jamais totalement la représentation de l'action.

Pourtant, il faut "valoriser" ce moment de la découverte; il faut le rendre vraiment sensible au spectateur.

 On peut penser à :

-ralentir le rythme des gestes, leur durée (ici, parfaitement justifié par le fait de soulever les tissus... que va-t-on trouver ?

-faire un arrêt sur la découverte (moins théâtral que dans le theâtre chinois, moins long moins mis en scène); ici, conformément aux codes de la rencontre amoureuse à l'occidentale, le chevalier-charmant-prince est "étonné", "stupéfait"

-on n'oublie pas de "donner" ce visage "arrêté" par ce qu'il vient de voir aux spectateurs..

 

En résumé :

-ne "rater" aucun mini-coup de théâtre

-chercher comment le mettre en valeur d'abord par le jeu

-chercher comment le mettre en valeur, quand on est "riche" par un effet de lumière ou de son...