La lecture à haute voix 2015 Collège Verlaine

Un extrait de la nouvelle de Ray Bradbury : Echange.

Elle posa d'autres livres à proximité des premiers. "Alice au pays des merveilles. De l'autre côté du miroir". Un mois plus tard tu les réempruntais tous les deux. "Mais enfin, t'ai-je dit, tu les as déjà lus ! - Oui, m'as-tu répondu, mais pas assez pour en parler. Je veux être capable de les raconter à haute voix."

-Ça alors, fit tout bas le jeune homme. J'ai vraiment dit ça ?

-Eh oui. Tiens, ceux-là aussi tu les as lus dix fois. Les mythes grecs, romains, égyptiens. Nordiques, chinois. Tu étais littéralement affamé.

Poème de Ludovic Janvier cité par jacques Bonnafé dans son intervention au colloque sur la lecture à Roubaix.

Dans respirer, m’a dit Goethe, il y a deux grâces. L’air qu’on s’incorpore et celui qu’on lâche. La peine que j’ai moi, c’est à rendre l’âme. L’âme que l’air m’a prêtée. J’oublie d’expirer. Pour que j’y consente, il faut au moins le calme d’un sous-bois, la nage ou l’obstination d’une course lente. Un ventre vous crache à l’air libre, on vous gifle, crie, oblige, on fera qu’il accepte, le petit salaud, d’avaler et puis de relâcher ! Attrape, et souviens-toi que tu es souffle. Savez-vous comment les cogneurs vous nomment, l’oublieux bébé qui tarde à l’ouvrir ? Étonné, disent-ils. Il arrive étonné. Là, ils parlent de moi qui m’étonne encore malgré mon long passé dans la respiration. Un rien m’éberlue, un rien m’asphyxie. Peut-être, je me souviens de ce premier cri, à moins qu’ils aient cogné un peu trop fort sur moi qui fais le bègue à la moindre alerte, moi qui fais le muet quand on me regarde. Aaaaaaah ! Le plaisir brutal de bailler sous les arbres et celui de vider le sac à air tout un dimanche à fonds perdu dans la chambre d’ennui. Mais c’est vrai que pour aller au bout des souffles, il faut une musique au large de soi qui vous insuffle et, lente, vous soulève. L’ange qu’elle offre est un chanteur. Je suis né poumon, comme tout le monde, la grâce attendue tardait à venir, jusqu’au jour ou, pour mieux m’entendre, j’ai marché mot à mot sur des pages, au hasard. Voila que d’un seul coup ça respirait tranquille. J’avais trouvé. Je continue, j’inspire, j’expire calmement, soulevant les paroles.